L’Humain Décomposé : Quand la Chair Perd Son Nom
- kevin habouzit
- 16 mars
- 4 min de lecture

L’Humain Décomposé : Quand la Chair Perd Son Nom
Nous sommes faits de peau, d’os, de nerfs et de chair. Mais nous ne sommes pas fixes. Nous croyons être des entités définies, figées, sculptées dans un équilibre que nous appelons « corps ». Pourtant, sous cette illusion de stabilité, nous sommes en perpétuelle mutation. Nous sommes en train de pourrir à petit feu. Chaque seconde, des cellules meurent, des muscles se contractent et se relâchent, la peau se ride, les os s’érodent.
Et si ce n’était que le début ?
Et si l’humain n’était pas un état final, mais un état transitoire, une aberration temporaire qui lutte contre sa propre dissolution ? Si notre chair n’était qu’une étape, un accident biologique, un matériau malléable destiné à être brisé, réarrangé, fusionné ?
C’est cette question qui hante mon travail. L’humain est une sculpture en train de s’effondrer. Une matière première en attente de transformation.
I. L’Horreur de l’Inachevé : L’Obsession des Corps Incomplets
La véritable peur ne réside pas dans ce que nous comprenons, mais dans ce que nous percevons sans pouvoir l’identifier. Un corps incomplet, un visage dont la structure a été altérée, un être qui n’a plus de contour défini... C’est là que l’angoisse naît.
Nous sommes programmés pour reconnaître un corps humain. Deux yeux, un nez, une bouche, des membres bien proportionnés. Mais quand ces éléments sont distordus, fusionnés, effacés, dupliqués, nous ressentons un frisson primaire. Le cerveau ne sait plus ce qu’il regarde. Est-ce encore humain ? Est-ce quelque chose qui a existé avant nous ? Ou pire, après nous ?
📌 Quelques figures artistiques qui ont exploré cette frontière de l’indicible :
Zdzisław Beksiński : Ses créatures sont des reliques d’un monde post-humain. Elles ont des corps, mais ne semblent pas vivantes. Des visages absents, des formes en train de se dissoudre dans le décor, des silhouettes qui ne sont plus que des ombres de chair.
H.R. Giger : Il a donné naissance à des corps hybrides, mi-organiques, mi-mécaniques, où la chair et le métal sont fusionnés comme si la distinction entre le vivant et l’inanimé n’avait plus de sens.
David Cronenberg : Dans ses films, le corps humain est toujours en mutation. Il suinte, il s’étire, il s’ouvre sur lui-même. Il devient autre chose, un territoire inconnu, un virus de lui-même.
Ces artistes ont compris une chose essentielle : le corps humain est une illusion de permanence.
Et moi, je veux révéler ce qui se cache derrière cette illusion.
II. La Chair Comme Champ de Bataille : Ce Que Nous Redoutons le Plus
Si nous avons si peur du corps mutilé, du corps incomplet, du corps fusionné avec autre chose, c’est parce que cela nous confronte à la seule vérité inévitable : nous ne sommes pas éternels.
Regarde un corps amputé. Regarde une peau déchirée, une bouche qui s’étire trop loin, des doigts qui se multiplient jusqu’à ne plus avoir de fonction.
Qu’est-ce qui nous fait horreur ? Ce n’est pas seulement la douleur. C’est l’idée que notre propre forme pourrait se décomposer, perdre son équilibre, devenir autre.
Dans mes œuvres, cette idée est omniprésente. Les visages disparaissent, les corps s’effacent dans les murs, les membres se prolongent jusqu’à l’absurde. Comme si l’humain n’avait jamais été une entité stable, comme si nous étions en train de revenir à un état primitif, informe, malléable.
Nous avons peur des monstres. Mais nous oublions que nous sommes déjà des monstres en devenir.
III. Le Corps Dissous, l’Identité Effacée
Qu’est-ce qu’un corps sans visage ? Une entité sans nom ?
Un être humain dont la peau a été remplacée par une surface lisse, sans orifices, sans relief, sans histoire... Est-il encore humain ?
Nos visages nous définissent. Ils sont notre ancre dans la réalité, notre seule preuve d’individualité. Mais que se passe-t-il quand on nous retire cette identité ?
Dans mes œuvres, j’aime représenter des visages qui s’effacent, qui se dédoublent, qui se fragmentent.🔹 Un œil qui grandit jusqu’à engloutir tout le reste.🔹 Une bouche qui disparaît, cousue sous la peau.🔹 Des traits étirés, comme si le corps n’était plus qu’un masque de chair en train de se fondre dans l’espace.
Si je déforme les corps, ce n’est pas pour choquer. C’est pour rappeler que notre forme est éphémère.
IV. Fusion avec l’Environnement : Quand l’Humain N’a Plus de Contour
Où finit notre corps ? Où commence le monde ?
Si tu restes immobile assez longtemps, la poussière commence à te recouvrir. Tes os deviennent plus lourds, ta peau se confond avec ce qui t’entoure. Que se passe-t-il si cette fusion ne s’arrête jamais ?
📌 Une vision récurrente dans mon travail :
Des êtres humains qui se dissolvent dans les murs.
Des silhouettes dont les bras se prolongent en racines, en câbles, en veines métalliques.
Des corps qui perdent leur frontière, qui s’étendent dans l’espace comme une infection organique.
L’idée que nous sommes séparés du monde est une illusion. Nous sommes en train de nous fondre en lui.
V. Pourquoi Cette Obsession ?
Je n’ai jamais cru en la stabilité. Je ressens toujours cette impression que nous sommes en train de muter, lentement, invisiblement.
Notre corps nous trahit. Il change, il se détériore, il se tord sous l’effet du temps. Et si ce processus était bien plus qu’un simple vieillissement ? Et si nous étions programmés pour disparaître en quelque chose d’autre ?
Je ne crée pas des monstres. Je peins des réalités alternatives. Des fragments de ce que nous pourrions être si nous arrêtions de nous voir comme des entités fixes. Des humains qui ont cessé de se battre contre leur propre transformation.
Conclusion : L’Humanité Comme Cauchemar Évolutif
Nous sommes des corps en transition. Nous ne sommes pas humains. Nous sommes des formes en attente de dissolution.
La question n’est pas de savoir si nous allons changer. La question est de savoir ce que nous allons devenir.
Et si ce que nous appelons "humain" n’était qu’un état temporaire, une illusion que nous nous accrochons à croire, avant que la chair ne nous trahisse, et nous révèle pour ce que nous avons toujours été : quelque chose d’informe, de mouvant, de monstrueux ?
Et si nous étions déjà en train de muter… sans même nous en rendre compte ?
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